Les dés ont été jetés, ils ont roulé et les chiffres sont apparus pour désigner le meilleur joueur de la partie. Sans assurance aucune, chaque joueur en se plaignant d’avoir été victime de truquage a contesté son propre classement. Les dés étaient-ils pipés ?
Ousmane T. Faye |
Oui ! La Cour suprême a intervenu pour rendre un verdict irrévocable. Les candidats s’y sont pliés mais … insatisfaits… notamment le candidat du Rpg. Celui de l’Ufr après avoir joué à la victime déconcertée a soudain choisi d’être légaliste en acceptant l’arrêt de la Cour suprême de Guinée … Les dés étaient-ils pipés ?
Bien sûr qu’ils étaient pipés ! Répétition nécessaire : dans la fabrique, chacun savait à quoi s’en tenir puisque tous les matériaux n’étaient pas réunis pour faire des dés à la satisfaction de tous. Chacun était donc préparé à la contestation des résultats du jeu. Le scénario usuel auquel le régime bi-décennal défunt avait habitué les protagonistes.
La dangereuse conspiration - Cette fois encore, pour la publication des résultats définitifs, les mêmes catégories de juges - issus de la même bassecour - étaient là pour asséner les mêmes « considérants … » tout aussi bien connus des guinéens depuis l’ère du placide et démocraticide Maitre Lamine Sidimé.
Surprises ? Il n’y en a une de taille et inattendue. S’agissant des résultats du 1er tour, la Commission électorale indépendante (Ceni) a fait son mea culpa. Il y’a eu mauvaise gestion ! Que valent donc les résultats définitifs avalisés par la Cour suprême de Guinée ? À moins de s’écrire des lettres à l’eau de rose pour se dire : soit qu’on est le meilleur, soit qu’on maitrise la tendance à l’être.
Le songe ! … En sortant de ce rêve idéel égotique, la proposition-sauvegarde est de considérer dans l’esprit, tout au moins, que ces élections sont nulles et non avenues. Les observateurs comprendront. Ils n’ont pas contesté les conclusions de la Fondation Carter qui dit que « le tiers des votes n’ont pas été pris en compte ».
Les compliments sur le comportement des électeurs et le déroulement du processus vont droit aux populations guinéennes. Ils n’impliquent pas l’applaudimètre pour célébrer le caractère licite et le contenu des élections.
Le résultat du test de la Cour suprême de Guinée ne l’honore pas en ce sens mais elle reste souveraine malgré sa frilosité. Il faut faire avec ces résultats pour aller de l’avant et faire plaisir au Général Sékouba Konaté et aux partenaires internationaux. En le faisant, il faudrait aussi s’attendre au prévisible autant qu’à l’inattendue.
La situation sur le terrain est mouvante et pourrait être explosive après le 22 aout 2010. Les vainqueurs du premier tour accepteront-ils une défaite au second tour ? C’est pourtant tout à fait possible et plausible. Il faudrait s’y attendre.
Le pourquoi du comment et vice-versa - Ce que les autorités guinéennes craignent de dire publiquement, pour préserver la transition apaisée, est ceci : une ethnie a, dans sa quasi-entièreté voté pour un des candidats issus d’elle.
Les ressortissants peuls à l’extérieur et à l’intérieur semblent avoir observé la consigne du vote ethnique d’abord. Belle discipline exclusive ! Rien d’antidémocratique, cependant, il faut en convenir. Ce sont des Guinéens qui ont choisi de voter pour un Guinéen selon un paramètre défini. L’observation serait valable pour les autres acteurs politiques.
Malheureusement, au quantitatif le nombre a des limites dans la sphère ethnique (43% de Guinéens, bien sûr) pour le vainqueur du premier tour. Ce qui entre dans le domaine de l’imprévu dans une telle stratégie, c’est la réaction des autres avant qu’on ait le temps de se rattraper en leur disant « qu’on ne leur veut aucun mal, ce faisant. »
Il est tout de même incroyable que le pourcentage représentatif de la Moyenne Guinée (40%) soit exactement contenu dans le vote recueilli par l’Ufdg et Cellou Dalein Diallo. Au cas où cela s’avère, la Guinée couve une fracture sociopolitique et géographique qui prendra longtemps à se ressouder au delà des élections nationales de 2010 et après. Ou bien, sinon, il y a eu une manipulation de grande envergure par des hommes assoiffés de pouvoir utilisant le module ethnique pour la couvrir. C’est mettre au pilori une ethnie entière. Sans état d’âme. Qu’est-ce la Céni n’a pas osé dire aux Guinéens ? Son attitude explique la non publication des votes par préfecture et par candidat avec des pourcentages comparables au nombre de votants.
Le boomerang du vote ethnique. Mais puisque le recours à l’ethnie en appelle à l’identité, il ne faudrait pas s’étonner de voir germer de manière inconditionnelle et instinctive une ligue d’honneur d’autoprotection des autres vis-à-vis du vainqueur et son ethnie.
La stratégie et les raisons leur sont difficiles à cerner, sinon dans le sens d’une domination que dicte le nombre. L’on sait, pourtant que l’effet pervers de la création du Cosalac–Comité de soutien à Lansana Conté – fut la renaissance des Coordinations régionales en 1986/1987. Pourquoi et comment ?
Dans une situation de regroupement ethnique avérée, la question sans réponse chez les autres, quand on s’organise sans leur participation, est : comment et pourquoi ont-ils fait cela entre eux ? C’est l’inattendue imprévisible. L’expliquer et convaincre demandent du temps et de l’énergie. Voyons les effets possibles sur les chiffres.
Le prévisible dans les conditions normales - En clair, l’avance de l’Ufdg avec Cellou Dalein Diallo - nanti de ses 43% et de nouveaux partenaires dont l’Ufr et Sidya Touré, le Ngr et d’Ibrahima Abé Sylla – aurait pu lui permettre de passer comme une lettre postée le 27 juin pour être reçue, lue et adoptée le 22 aout 2010 par au moins 59 % des populations.
Faisons fi du tapage du Pup avec moins de 1% – divisé en deux factions représentatives de Moussa Solana et de son candidat, Aboubacar Somparé. À moins que les consignes de vote aient été données contre ce dernier. Cependant le cumul des en-dessous-de-1% peut s’avérer décisif …
Il convient de noter et d’insister sur le fait que cette alliance se donne une allure démocratique conventionnelle, après coup. Il faut l’apprécier, c’est de bonne guerre et la guerre a ses revers inattendus sur le terrain politique …
59%, par calcul élémentaire, c’est à peu près ce que le candidat de l’Ufdg est supposé avoir dans sa besace en additionnant les 13% de l’Ufr et les 3% du Ngr. Une majorité absolue si, et seulement si, tout s’embourbe chez l’adversaire. Pour le moment, le candidat au score avantageux ne se lamente pas. Peu lui importe semble t-il que les méthodes de la Ceni soient assainies ou pas. Il regarde le confortable chiffre et exprime son souhait : « les élections au plus vite ». D’accord sur les délais à respecter dans les conditions normales.
Les élections du 27 juin 2010 se sont-elles déroulées dans les conditions qui imposent le respect du délai pour le second tour ? Et s’il arrivait que 30% des Procès verbaux de vote en sa faveur disparaissent au second tour ?
Tout cela relève, peut-être, de la spéculation présomptive et d’une mauvaise foi à reconnaitre les faits qui semble assurer à Cellou Dalein Diallo une entrée (quelle qu’elle soit) au Palais de la présidence de la République. Soit !
La réaction inattendue dans les conditions normales - Cependant, d’autres faits sont observables du coté de l’adversaire. Alpha Condé du Rpg, avec ses 18% s’est assuré du partenariat d’autres partis politiques dont le Rdr de Papa Koly Kourouma (5%), le Rdig de Jean Marc Telliano (2%) et notablement le Pedn de Lansana Kouyaté (7%). Une quinzaine de partis politiques aux scores de 1% ou moins ont fait allégeance. Le chiffre qui en résulte, 32%, semble être loin de celui de la coalition de l’Ufdg. La pléiade de petits scores additionnés pourrait facilement lui apporter 10% de plus.
Ainsi sur le papier, comptabilisons 42%. Cette ligue devra compter sur l’assainissement des procédures de vote et un strict contrôle pour rattraper les déperditions de votes du 1er tour des élections présidentielles. Ce qui entrainerait, si fait, un additionnel d’environ 15% au second tour. Sur le papier le professeur Alpha Condé et ses partenaires pourraient générer 57% ou atteindront la marque de l’alliance Cellou Dalein Diallo avec de prévisibles déperditions logiques.
Comment le Rpg et ses partenaires pourront-ils remonter l’Ufdg et son candidat et les devancer ? C’est l’inattendue à laquelle, les victorieux du 27 juin 2010 ne veulent pas envisager. Pourtant, il résulterait de la réaction des autres régions et ethnies face à leur vote ethnique trop bien organisé du 1er tour.
La Copie conforme de leur stratégie par la ligue régionaliste, effrayé ou non mais choquée, leur serait alors rendue. Il n’y a rien d’antidémocratique en cela non plus. Des Guinéens de trois régions naturelles et géolinguistiques seraient convenus de voter pour un Guinéen selon des paramètres nouvellement définis.
L’inattendue - La débandade des militants au niveau de l’Ufr/Sidya Touré, qui le nie farouchement, rentre dans le scénario de réaction. Le vote ethnique qui a conduit les élections du 1er tour, le 27 juin 2010, va donc se poursuivre à trois contre une.
Le vote régionaliste pourrait faucher à Sidya Touré une large part de la Basse Guinée. En tâche d’huile, le phénomène aurait des répercussions négatives sur le vote négocié en faveur de Cellou Dalein Diallo. Abé Sylla subit la même mésaventure et distribue des sanctions aux mutins de son parti.
Pour Cellou Dalein comme pour Alpha Condé, Il serait impossible de maintenir les pourcentages du premier tour. Ils vont fluctuer à la baisse ou à la hausse selon les capacités de leur parti politique à maintenir les troupes.
Au niveau du partenariat, le vote devenu régionaliste apporterait, du fait des déperditions, en valeur sûre 5% avec Sidya Touré et moins de 1% avec I. Abé Sylla. Hypothèse : avec les 43% maintenus, le stock serait d’en moyenne 49% invariable ou moins si l’Ufdg perd des votes.
Les derniers mouvements du capitaine Moussa Dadis Camara en direction de la Guinée, s’ils semblent menacer l’autorité du président de la transition, le Général Sékouba Konaté, n’augurent rien de bon pour le candidat Cellou Dalein Diallo du coté du sud de la Guinée.
Le défi à relever - Les militants de Pedn de Lansana Kouyaté sont des « mutins » partis du Rpg, particulièrement en Haute Guinée par dépit, pour des raisons subjectives ou objectives. Ils s’attendaient, désormais, à une autre vie politique que celle que leur propose le partenariat avec le Rpg. Ils pourraient s’abstenir en rejetant l’idée de voter pour le camp adverse. Ce qui réduirait l’apport du Pedn à la portion congrue d’une moyenne d’au moins 4% en comptant sur le poids de la coordination Manden. La manœuvre réduirait l’acquis de son alliance.
Nonobstant, Alpha Condé et le Rpg ont dans leur camp plusieurs personnalités auxquelles les populations guinéennes semblent avoir accordé peu de suffrage. Elles ne méconnaissent pas pour autant leur valeur. La preuve : les votes minimaux restent des votes dont les gagnants ont tout de même besoin pour faire la différence. Ces votes, inconditionnels, peuvent se rassembler autour du leadeur du Rpg le 22 aout 2010. C’est ce que l’Ufdg devra empêcher, en négociant, considérant dans son propre bilan une possible déperdition de vote allant de 5 à 10%.
Cependant, le déploiement de ces chiffres ne garantit rien à priori. Dans cet imbroglio de scénarios plus ou moins impurs, il est difficile de présumer du choix des populations même si les différents leadeurs ont pris des engagements. Il faudrait des épures, des dessins, dont les contours sillonnent le tracé de la carte de la Guinée entière et proposer un toit qui abrite chacun contre la discrimination ethnique et la misère.
Les dés vont-ils être pipés de nouveau ? Bien sûr qu’ils seront pipés ! Dans la fabrique de dés, si on utilise, toujours et encore et encore les mêmes hommes blasés qui excellent dans la fabrication de dés pipés. Ils le font pour survivre en ignorant, totalement, s’ils survivront ou pas. Ils ne peuvent plus innover. Ils sont englués dans une simple routine stagnante : piper les dés. Que cela soit écrit et accompli.
Ousmane Tity Faye
Source : http://www.chronafric.com