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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 09:01

kaba-kl-1Le 30 Juillet 2013, Monsieur Mansour KABA, ancien Ministre de la République, leader du Parti DYAMA annonce sur un site : LA CREATION D’UN MOUVEMENT CITOYEN A BUT UNIQUE : L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE AU FOUTAH DJALLON

 

Il s’agirait, selon ce très respectable homme d’Etat, citation : « Un puissant mouvement citoyen à but unique, à savoir l’abolition de l’esclavage au Foutah Djallon, doit être constitué partout, afin d’obliger les députés de la future Assemblée Nationale à voter une « Loi pour l’abolition de l’esclavage en République de Guinée ».

 

 Les philosophes enseignent que l'histoire des hommes est un long, très long cheminement de la conscience. Il est ponctué d’obstacles innombrables dont les principaux sont : ignorance, superstition, intolérance, injustice, déraison, fanatisme.

 

Monsieur Mansour KABA s’offre, courageusement, si ce n’est témérairement, comme le preux chevalier de la lutte contre cette obscurité de la conscience. De nouveaux travaux d’Hercule en perspective. La lecture de son texte donne l’image d’un homme dont le principal talent serait de démêler la vérité imperceptible aux autres, en attisant la mêlée dans laquelle des hommes politiques en vaine quête d’audience jettent les populations guinéennes, en répandant l’huile sur le feu que des prises de positions politiques et ethniques allument çà et là.

 

Il fait ressurgir, si ce n’est une résurrection, des démons enfouis depuis des lurettes, convaincu qu’il s’attaque opportunément à une tragédie intolérable, exhumée et placée sous ses yeux comme par magie, sous la poussée de la conjoncture délétère actuelle, alimentée par  un fanatisme politique ambiant. Il  entreprend donc l’abolition de l’esclavage et la réhabilitation du supplicié.

 

Monsieur KABA semble ignorer la simple évidence que le temps a évolué en une mutation profonde et irréversible. Les sociétés esclavagiste et féodale ne sont plus et à jamais. Elles ont été éliminées sous le poids écrasant de la prise de conscience humaine forgée par plusieurs siècles d’histoire, pour parler localement, par plusieurs décennies de combats.

 

La raison est simple, si tant est qu’un rappel est nécessaire, elles ont été jugées trop cruelles et obsolètes.

 

Elles ont été vécues et perçues comme un exemple d’indignité humaine à bannir. Ayant contribué à la déshumanisation de l’homme, elles demeurent un fait indéniable de l’histoire universelle, mais vouées aux gémonies.

 

L’esclavage est une réalité de laquelle tout Etat moderne et démocratique, toute République se démarque et combat avec vigueur et  rigueur, parce que la conscience universelle veut que la tâche de l’homme soit de prendre en ses propres mains sa destinée, d’améliorer sa condition, d’assurer, d’embellir sa vie  par la liberté de sa volonté et par l’indépendance de ses choix, grâce à une bonne police  de la société, appelée bonne gouvernance et Etat de droit.

 

Dans ce sens et en raison de la forte compétitivité qui habite chaque homme, la vie en commun ne serait pas possible sans une convention où chacun trouve son compte. Bien que s’exprimant par des lois particulières à chaque pays, la justice, qui garantit cette convention, est  universelle. Elle existe heureusement dans notre pays malgré ses difficultés et les tares de toutes sortes dont elle est affligée.

Il est à retenir que tous les hommes devraient être capables d’en concevoir l’idée et de vouloir en jouir en toute égalité, d’abord parce qu’il est indéniable que tous les hommes sont des êtres dotés de raison, ensuite parce qu’ils sont tous capables de comprendre que ce qui est utile à la société est utile à chacun de ses membres.

 

La vertu, « commerce de bienfaits, leur est dictée à la fois par le sentiment et par l’intérêt ». A cet égard, le rôle de la morale, comme de la religion et du droit, selon Voltaire, est d’enseigner les principes de cette police,  afin que chacun s’accoutume à les respecter.

 

Monsieur Ment Sourd KABA semble dénier cette essence humaine à ‘’ces esclaves’’ du Fouta qui acceptent la fatalité de se laisser chosifier.

 

Monsieur KABA, dans un questionnement, qu’il martèle par quatre ‘’Savez-vous’’, rappelle à tous ceux qui vivent sur le territoire de la République leur cécité et leur surdité de n’avoir pas vu et entendu des esclaves gémissant sous le poids de maîtres impitoyables et arrogants. Il ne conjugue pas le verbe savoir à l’imparfait, il emploie le présent de l’indicatif pour indiquer que le champ de sa certitude coïncide avec celui de la réalité que nul autre que lui ne saurait appréhender, ni même simplement percevoir.

 

En réponse à ses propres interrogations,  Ment Sourd KABA écrit ‘’Oui. Allez au Foutah Djallon, visiter les « Rundè » et les « Foulah-so » pour constater de visu les conditions de vie et de travail de ceux qui ont été soumis à un système d’esclavage inhumain, dégradant et mesquin, depuis la victoire des Peuhl islamisés à la bataille de Talansan en 1730 contre les Peuhl, les Maninka et les Djallonka, alors animistes’’.

 

Des faits importants sont absents du questionnement de Monsieur KABA.

 

1.      Par exemple, il a été depuis des décennies leader de Parti politique, Ministre de la République, pourquoi ce serait seulement maintenant qu’il retrousse les manches pour tirer l’esclavage au Fouta Djallon de l’oubli, qu’il le sort du dessous du voile qui le recouvre pudiquement.

 

2.      Monsieur Ment Sourd ne spécifie pas qui serait esclave et qui serait maitre d’esclaves. Il attribue le fait à une région où il oppose une ethnie à d’autres, faisant de l’une la privilégiée et des autres des personnes assujetties, dépendantes, incapables de relever leur échine, de se mettre debout et de secouer le joug qui les oppresserait. Il leur faut, de l’avis de Monsieur KABA, le secours des autres provenant d’autres régions qui ont la vertu innée et la conscience  de leur humanité et de leur mission libératrice.

 

3.      Il relate et stigmatise des agissements précis, des comportements qui sont inhérents, non pas au seul esclavage, mais ont une relation avec des faits répréhensibles, condamnables. Il mentionne :

 

a.      à la fin de ce saint mois de Ramadan, en ce XXIe siècle, et en République de Guinée, des compatriotes vont aller saluer d’autres compatriotes en se courbant à « quatre pattes » devant ceux-ci, qui sont considérés comme « nobles » ;

 

b.      certains citoyens Guinéens sont obligés, du fait de leur état d’esclaves, de sacrifier des boucs noirs à la place du bélier blanc du Prophète Abraham ;

 

c.      et en République de Guinée, des Erudits en sciences coraniques ne peuvent pas diriger la prière des croyants, du fait de leur état d’esclave ou qui sont confrontés au refus de certains coreligionnaires qui se disent « nobles », de prier derrière un Imam d’origine esclave.

 

Ment Sourd KABA dénonce ainsi ce qu’il appelle ‘’ un système d’esclavage inhumain, dégradant et mesquin’’.  Ce système a sa place ‘’ en République de Guinée’’.

 

Il convient de noter qu’aucun des faits mentionnés plus haut par Monsieur KABA n’est l’apanage de la seule région du Fouta Djallon. Ils sont les séquelles résiduelles de notre histoire et condamnés à se désagréger et à disparaitre inéluctablement.

 

N’est-il pas courant que des couples qui veulent se  marier se heurtent à des oppositions parce que l’un appartiendrait à une caste jugée inférieure ? N’est-il pas constant que des cimetières séparés sont réservés à des familles, que des places et positions sont convenues pour des familles dans toutes les régions de Guinée ?

 

Bien mieux, entre ‘’Roundé’’ et ‘’Foulah So’’, des mariages n’ont-ils pas unis des ‘’Captifs’’ et des ‘’Princes’’ dans de solides liens de parenté. Doit-on ignorer ce facteur d’unité et de concorde ?

 

Monsieur KABA se rend-il compte que la manipulation, à laquelle il prend un plaisir cynique,  aura pour effet de semer dans la mentalité de la jeunesse le venin corrosif du complexe de supériorité d’un côté, et celui d’infériorité de l’autre, creusant ainsi un gouffre entre des citoyens confinés par leur destin commun à coexister dans un espace dont ils sont cohéritiers sempiternellement indivis. ? 

 

La question alors est : sommes-nous en REPUBLIQUE, quand on sait que République et esclavage sont absolument antinomiques?

 

La question est d’autant importante qu’il est impératif de se mettre d’accord sur l’acception de Système et d’Esclavage employés par Monsieur KABA..

 

 ‘’Système’’ pourrait s’entendre philosophiquement d’un ensemble abstrait d’éléments coordonnés par une loi, une doctrine. D’un point de vue politique ou juridique, ‘’système’’ a la signification d’organisation politique, sociale et économique, c’est-à-dire un mode de gouvernement assis sur un ensemble d’institutions, de procédures et de moyens de coercition.

 

Quant à ‘’Esclavage’’ serait-ce l’état, la condition de l’esclave, c’est-à-dire la situation ou le statut d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ?

 

La réponse affirmative conduirait à inférer qu’un esclave est un individu privé de liberté, soumis à l’autorité systémique d’une personne ou d’un Etat, contraint au travail forcé par un système de coercition, avec la conséquence que cet individu peut être acheté et vendu comme un objet, moins bien traité qu’un animal et peut subir la torture, la violence et tous abus, y compris sexuels.

 

Sous cet éclairage, l’esclavage ne se conçoit-il pas comme l’état d’une personne qui se trouve sous la dépendance absolue d’un maître à qui le pouvoir d’Etat a conféré la possibilité de l’utiliser comme un bien matériel ?

 

L’esclavage est la situation de privation de liberté d’une frange de la société par des hommes, dans le but de les soumettre à un travail forcé, du moins non rémunéré.

 

Juridiquement, l’esclave est une propriété de son maître. Cette propriété est garantie par un système étatique qui oppresse, qui enserre l’individu dans un corset de lois et de méthodes coercitives.

Monsieur KABA doit-on penser que la République de Guinée est dans ce cas de figure, c’est-à-dire admettant un système juridique et socio-économique fondé sur le maintien et l’exploitation de l’homme par l’homme et s’enracinant dans la conjoncture où un groupe d’hommes privilégiés de la fortune et d’un système constitue en sa faveur une classe d’esclaves ?

 

En y réfléchissant en profondeur, sans passion, ni restriction mentale,  Monsieur KABA, la situation que vous dénoncez correspond-elle vraiment à un système pensé, voulu et délibérément maintenu?

 

Si la réponse est affirmative, qui précisément au Fouta est responsable ? S’il y en a, ce serait admettre la preuve de la déliquescence de l’Etat guinéen, de l’indifférence et de la complicité tacite des organes de la puissance publique, laquelle dispose de services d’information et de coercition dont le rôle est justement de prévenir et de réprimer les actes prohibés et incriminés, tel le fait d’esclavage.

 

Rétrospectivement, en partant de la Guinée coloniale, en passant par la période des indépendances, Monsieur KABA veut-il dire que l’abolition de l’esclavage par la France colonisatrice le 27 avril 1848, la Convention internationale de 1926 relative à l’abolition de l’esclavage, la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948, la Convention supplémentaire de 1957 de l’ONU relative à l’abolition de l’esclavage,  la loi nº56-619 du 23 Juin 1956, dite loi Gaston Defferre et subséquemment son arrêté d’application signé de Fodéba KEITA, Ministre de l’Intérieur du gouvernement de la loi-cadre, en date du 31 décembre 1957, portant suppression de la chefferie dite traditionnelle et les Constitutions successives de la République, n’ont donc pu venir à bout de l’esclavage comme système ?

Les personnes victimes de ce crime contre l’humanité sont-elles à ce point, en cette ère des technologies de l’information faisant du monde un village planétaire, marginalisées qu’aucun membre de leurs communauté n’est imprégné des mécanismes et règles qui favorisent l’extinction de ce fléau ?

 

En écrivant et en publiant ceci : ‘’Oui.  Allez au Foutah Djallon, visiter les « Rundè » et les « Foulah-so » pour constater de visu les conditions de vie et de travail de ceux qui ont été soumis à un système d’esclavage inhumain, dégradant et mesquin, depuis la victoire des Peuhl islamisés à la bataille de Talansan en 1730 contre les Peuhl, les Maninka et les Djallonka, alors animistes’’,  Monsieur KABA ne confondrait-il pas esclavage et discrimination pour s’engager dans une propagande à caractère subversif, fortement teinté de racisme et de régionalisme.

 

On ne peut, en effet, nier le fait de discrimination pratiqué avec ostentation ou secrètement, pis encore hypocritement. Ce n’est pas exclusif ou spécifique au Fouta et, dans une vaste mesure, à la Guinée.

De deux  choses l’une, ou Monsieur KABA ne sait pas de quoi il parle quand il emploie ‘’système d’esclavage’’ ou bien il a des visées tendancieusement déstabilisatrices, nourries par la haine ethniques qu’il ne cache pas du reste.

 

Or, la Constitution dispose : ‘’Article 4: La loi punit quiconque par un acte de discrimination raciale, ethnique, religieuse, par un acte de propagande régionaliste, ou par tout autre acte, porte atteinte à l'unité nationale, à la sécurité de l'Etat, à l'intégrité du territoire de la République ou au fonctionnement démocratique des Institutions’’.

 

Pour la répression le Code pénal en ses articles 137, 138, 139 punit de peines de prison et d’amende les actes prévus dans la disposition constitutionnelle susvisée, sans parler de l’atteinte à l’unité nationale.

 

De la lettre et de l’esprit de législation pénale guinéenne, il ressort que le régionalisme et le racisme trahissent un état d’esprit consistant en des :

 

§  discours, cris, menaces proférés en public ;

§  écrits ou imprimés vendus ou distribués.

§  Affiches ou placards.

 

Cet acte, accompli soit par écrit, soit dans des lieux publics, soit exposé aux regards du public, peut se traduire par une attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie déterminée de personnes. Tâche à laquelle se vouent laborieusement Ment Sourd.

 

C’est en application du principe d’égalité juridique  des citoyens  comme l’idéal moral de la nation démocratique  que le législateur guinéen a interdit et incriminé la pratique du racisme et du régionalisme.

 

L’analyse faite plus haut montre que Monsieur KABA, dont la culture aurait dû être aussi vaste que le permet l’usage de l’équerre, du compas et de la règle, outils nécessaires aux tracés d’architecture, n’a rien compris à la structure sociologique de la Guinée. Il ne distingue pas l’essence de la réalité de son apparence.  Il appartient encore à la grande catégorie des personnes dont la connaissance se limite à la croyance que c’est le soleil qui tourne au tour de la terre.

 

En applaudissant d’aventure la thèse esclavagiste de Ment sourd KABA, il ne peut s’agir de concevoir et élaborer une nouvelle loi, mais d’établir les faits, d’y procéder au cas par cas, pour mettre en évidence les pratiques abominables consistant à aliéner la liberté de personnes, à soumettre des citoyens, en abusant de leur vulnérabilité, à des conditions de vie et de travail incompatibles avec la dignité.

 

Une fois les faits établis, puisque par la grâce de Dieu le Code pénal comporte des dispositions répressives relatives à l’esclavage, saisir les tribunaux pour le châtiment des coupables, conformément aux articles 5, 8 et 9 de la Constitution.

 

Voilà Monsieur KABA, au lieu vitupérer contre une ethnie ou une région, de répandre la poudre de la haine ethnique et de la discorde dans le sein de la Nation, l’œuvre utile, citoyenne que recommande l’article 22 de la Constitution qui dispose : ‘’Chaque citoyen a le devoir de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements’’.

 

 Pour la paix et l’unité nationale, le mieux à faire, Monsieur Ment Sourd KABA est de vous taire ! Motus et bouche cousue, dit-on et fermons la boîte à Pandore.

 

Mohamed Aly Thiam

 

NDLR :  [Mansour Kaba sur la photo}

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