Dans deux interviews avec la presse locale et internationale, Alpha Condé a insisté sur le fait que la transparence économique est l’une de ses priorités. Il a ciblé des « commerçants véreux » qui ne s’acquitteraient pas de leurs obligations fiscales. En plus il a annoncé la mise en œuvre de promesses de campagnes : les femmes enceintes auraient la gratuité des soins et l’impôt de capitation serait éliminé.
Pour un pays avec une histoire troublante la priorité donnée à ces mesures et cet acharnement ont de quoi inquiéter quant à la gestion qui s’annonce. Alpha Condé est obsédé par le fait que des commerçants aient soutenu son adversaire de campagne. La transparence dont il parle semble être pour designer à la vindicte populaire les commerçants qui, pour lui, seraient la source de tous les maux récents et lointains de la Guinée.
Par une mauvaise tactique et des choix sélectifs, Alpha Condé veut diriger les mécontentements de la vie chère vers une classe de citoyens, les commerçants. Il devrait cependant faire attention. S’il veut agiter le spectre de la fraude fiscale ou de la corruption contre les amis de son adversaire d’hier, il devrait ne pas le dire en présence de beaucoup de ses propres amis.
Mamadou Sylla, son allié, restera la sangsue la plus notoire de l’histoire pourtant riche de scandales économiques de la Guinée. KPC, son financier, n’en est que la version créée par Konaté. Alpha Condé devrait aussi se garder d’élever la voix devant les anciens ministres de Conté de son alliance. Pointer le doigt sur les autres ne fera pas oublier qu’il s’est entouré jusqu'à l’apparence de la servitude de prédateurs les plus notoires que la Guinée ait connus. Il est futile de croire que souffler sur des délits économiques non prouvés effacera des mémoires les agissements de ses sbires, sa maladive admiration pour Sékou Touré qui le condamna à mort et dont il s’inspira dans sa campagne mensongère et sanguinaire.
Les piètres déclarations initiales d’Alpha Condé sont non seulement décevantes mais dangereuses. D’un, elles représentent, sous quelque angle qu’on les présente, une perversion morale qui passe en pertes et profits la mémoire de victimes des sanglantes dictatures du passé, dont certains du RPG. Un affront à la justice et à la bienséance est commis quand un chef, même non investi, veut passer sous silence les innombrables crimes de sang qui sont la cause de la calamité innommable qu’est devenue la Guinée pour enfourcher la bataille perdue d’avance contre les commerçants. Les inspirations de cette stratégie malencontreuse sont multiples.
1. Si c’est pour cajoler les tueurs en leur assurant d’avance une absolution, le calcul est amoral même dans une campagne électorale à fortiori quand on prétend construire un état de droit.
2. En 1964, avec la loi-cadre, le PDG organisa un pillage honteux et systématique des commerçants qui ruina le climat propice aux affaires. Avec la répression contre les étudiants et enseignant de 1961, ce fut le début de la décadence économique des décennies qui suivirent. Mr. Condé n’a rien appris sur l’évolution du monde s’il croit pouvoir utiliser, comme du temps de Sékou Touré, l’intimidation, la rareté et le manque comme moyen de gouvernement.
3. Si c’est pour isoler et frapper quelques citoyens de son choix, l’intention ne peut-être la moralisation de la vie économique mais pour promouvoir ses propres prédateurs auxquels il doit son élection en partie. La diabolisation du commerçant ne procède pas seulement de la mauvaise foi du politicien. Elle témoigne d’un refus de prendre les mesures de rigueur monétaire et économique requises. Le commerçant ne fonctionne pas en vase clos. Il ne peut établir des prix artificiels que s’il bénéficie de l’aval du mauvais climat de corruption dont la responsabilité échoit au gouvernant. Au lieu de déclarations de guérilla larvée et perdue d’avance contre une couche de la population, balayer les écuries du gouvernement serait l’amorce d’une solution.
Mais que connait un crypto-marxiste, doublé de trafiquant d’influence auprès des palais présidentiels les plus corrompus de l’Afrique sur les simples lois de l’économie ? Rien apparemment. C’est pourquoi il agit avec la légèreté de promettre sans savoir où prendre pour payer ce qui est promis.
Assurer la gratuité des services à des citoyens et la réduction d’impôt sans un minimum d’état des lieux des finances publiques et du fonctionnement de la santé publique est un acte irresponsable. Plus grave, le faire sans tenir compte du fait que constitutionnellement les dépenses publiques et la fiscalité sont du ressort du législatif, est inacceptable de la part d’un diplômé de droit.
Quand de surcroît cela est fait en accusant gratuitement une frange de la population, on assiste bien à la perpétuation de la gabegie et du populisme économique voués à l’échec, avec leurs cortèges habituels de souffrance et de bouc-émissaires.
Ourouro Bah