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20 juillet 2009 1 20 /07 /juillet /2009 18:36

En débarquant à Conakry le 1er juillet 2009, je n’étais pas certaine de pouvoir rencontrer le chef de la junte guinéenne, le capitaine Moussa Dadis Camara. Si vous ne frappez pas à la bonne porte, vous avez de fortes chances de passer des nuits blanches au camp Alpha Yaya Diallo où il est établi depuis le putsch du 23 décembre 2008, sans jamais pouvoir ne serait-ce que poser les yeux sur lui.

Récemment une femme d’affaires européenne, qui avait parcouru plus de 5000 kilomètres pour lui proposer ses services, est devenue hystérique. Elle avait attendu en vain, plusieurs jours, de lancer son opération séduction ! Heureusement, j’ai été plus chanceuse. Aucun militaire ne m’a demandé de décamper, même lorsque j’ai commis la maladresse de m’installer sur une chaise abandonnée sur la petite terrasse jouxtant la salle d’attente du chef de l’Etat où des éléments de la garde présidentielle se prélassent en grillant une cigarette. Endroit stratégique avec une vue imprenable sur l’entrée du QG du CNDD où défilent ministres, richissimes hommes d’affaires, intrigants à la recherche d’un job… Je disais donc que j’ai été chanceuse. C’est vrai. Mais quand même, interviewer Dadis relève du parcours du combattant.


Le 2 juillet, les portes du camp et du bureau du président se sont ouvertes sans aucune difficulté. Alors que le rendez-vous avait été fixé à 20h, on m’avertit à 15h que je suis attendue immédiatement. Mon accompagnateur et moi sautons dans un taxi. Sans avoir le temps de réaliser ce qui se passe, je me retrouve dans le fameux bureau du très fameux Dadis dont les célébrissimes colères en font trembler plus d’un. Chouette ! Il est de bonne humeur. Large sourire, poignée de main franche. L’accueil est chaleureux. Vêtu d’un T-shirt Puma noir, sans ses lunettes fumées sur le nez ni aucun attribut militaire, il a un côté sympathique. On papote un moment. A ma grande satisfaction, il accepte l’interview et fixe le rendez-vous au lendemain à 20h, en précisant qu’il répondra à toutes les questions, même celles qui fâchent.

Le 3 juillet, nous arrivons donc à l’heure convenue. Mais Dadis ne me reçoit qu’à 23 heures. Et là, première inquiétude. Il me dit : « Ma sœur, je ne suis pas dans de bonnes dispositions. Je suis fâché. Je ne peux pas faire l’interview. Ce sera pour demain ». Il fait alors entrer d’autres personnes et me prend à témoin de sa colère...


Le 4 juillet, nouvelle escapade jusqu’au camp Alpha Yaya Diallo qui est quand même à l’autre bout de la ville. J’arrive à 16h. Dadis me reçoit à 23 heures. Et rebelote. Il estime que je suis fatiguée et dit ne pas pouvoir faire l’entretien dans ces conditions. Il parle néanmoins jusqu’à 2 heures du matin et conclut en disant : « Pour l’interview, ce sera demain ». Evidemment, il n’est pas question de céder. Je négocie en insistant sur mon engagement vis-à-vis de mes supérieurs et ma grande contrariété. Cinq minutes après, il ordonne de déclencher le magnéto.

Deux heures plus tard, en sortant de son bureau, j’essuie les regards assassins de la trentaine de personnes qui attendent d’être reçues. Regards auxquels je ne prête d’ailleurs aucune attention. J’ai encore à l’esprit l’image du président pieds nus et en bermuda qui m’a raccompagnée jusqu’à la porte!


Cecile Sow


Cecile Sow est la correspondante de Jeune Afrique à Dakar depuis avril 2007. Elle couvre également la Guinée et la Guinée-Bissau

Source : Blogs de Jeune Afrique

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