L’avènement du CNDD au pouvoir, suite au décès du Général Lansana CONTE le 23 Décembre 2008 avait suscité un espoir pour la population guinéenne.
En dépit de la violation des dispositions de l’article 34 de la loi fondamentale relative à la transition démocratique, la Guinée a préféré la légitimité à la légalité compte tenu des
circonstances.
La légitimité populaire a davantage gagné suite aux premières déclarations de principe du CNDD : la tolérance, la justice, la démocratie, le respect des engagements internationaux et
la dissolution des institutions mal en point.
Cependant, moins d’un an après la prise du pouvoir par le CNDD, le tableau de la situation sociopolitique et économique du pays est, on ne peut plus sombre avec des perspectives assez
laconiques. La crise de confiance gagne du terrain entre le peuple et le CNDD en raison de la chute vertigineuse des valeurs que le CNDD a toujours prétendu défendre.
L’on se demande aujourd’hui si le CNDD mérite bien son nom qui met en relief les valeurs liées au dialogue, au développement et à la démocratie.
Ceci dit, loin de constituer un réquisitoire contre le CNDD, la Coordination des Organisations de Défense des Droits Humains (CODDH), exprime ses préoccupations sur la transition en cours.
Nous estimons que les valeurs constitutives de l’idéologie du CNDD sont mal en point face à la réalité : le dialogue social et la démocratie se portent de plus en plus mal.
Le dialogue social est un instrument au service de la paix sociale. Il ne saurait y avoir de paix sans dialogue national tout comme il ne saurait y avoir de dialogue véritable que lorsque les
acteurs identifient l’objet du dialogue et s’engagent à appliquer ou à faire appliquer les résolutions.
La Coordination des Organisations de Défense des Droits Humains CODDH est très préoccupée de la mise en berne du dialogue engagé au lendemain de la prise du pouvoir par le CNDD.
Ainsi, le retard dans la mise en œuvre du chronogramme officiel traduit éloquemment le manque de volonté politique du CNDD à joindre l’acte à la parole.
Il faut bannir de nos comportements, le clientélisme, le nomadisme et l’opportunisme politiques
Par ailleurs, la CODDH déplore et condamne la manipulation des jeunes et des femmes à des fins politiques, violant ainsi leurs droits à la liberté de conscience. Le combat doit se mener
maintenant au niveau des idées et des actions constructives et non dans la rue avec la destruction du peu que nous avons bâti en 50 ans d’indépendance.
Les manifestations des jeunes de Macenta et de Conakry en sont des exemples éloquents. Au cours de ces manifestations, il y a eu des blessés et des arrestations.
Sans liberté, il n’y a pas de démocratie car, la démocratie suppose le respect des droits et libertés des individus.
La CODDH constate avec regret les violations graves et répétées des droits humains. Par exemple l’arrestation arbitraire et la mise en détention secrète de certains militaires tels
que Fodé Aboubacar SYLLA Vivas ; les Colonels Tidiane DIALLO et Soriba YANSANE ; le Lieutenant Colonel David SYLLA, les Commandants
Issiaga CAMARA, Kader DOUMBOUYA et Patcho BANGOURA ; les Capitaines Saa Alphonse TOURE et Abdoulaye KEITA, etc..
Il ne saurait y avoir de démocratie sans justice équitable et indépendante. Ce qui suppose l’interdiction des arrestations arbitraires et des détentions secrètes.
Les personnes arrêtées doivent être jugées ou libérées dans un délai raisonnable et au cours d’un procès juste et équitable.
Aussi, la situation sanitaire de certains prévenus pour le trafic de drogue se détériore et est très préoccupante.
De même des multiples cas de violation des libertés d’association et de manifestation ont été notés à Macenta, Conakry et à Kamsar où il y a eu mort d’homme.
Nous assistons également à des cas d’intimidations, menaces de morts et violation de domiciles à l’endroit de leaders politiques (cas de Mouctar DIALLO Président du Parti NFD).
Il importe de noter aussi les violations graves des droits des citoyens perpétrées par les hommes en uniforme et ce, à longueur de journée.
Par ailleurs, l’interpellation arbitraire du Directeur de la Radio Nostalgie constitue une atteinte grave à la liberté de presse.
Il ne saurait y avoir de démocratie sans la tenue d’élections libres, transparentes et crédibles. Cela suppose la neutralité de l’ensemble des organes de la transition face au déroulement du
processus électoral.
La CODDH, sans denier le droit politique du Président de la République, lui demande de respecter sa parole d’honneur dans l’intérêt supérieur de la nation. En effet, ni lui, ni
un membre du CNDD et/ou du Gouvernement ne devrait être candidat. La candidature du Président compromettrait dangereusement la transparence et la crédibilité des élections.
Le développement suppose l’utilisation correcte des ressources nationales pour les besoins d’intérêt général.
La CODDH constate avec amertume la distribution fantaisiste et incontrôlée de sommes faramineuses d’argent à des groupes de soutien au CNDD pendant que la quasi totalité de la
population croupit dans la misère la plus noire.
Tous ces actes s’analysent en atteintes graves à :
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La vie ;
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L’intégrité physique et morale ;
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La liberté de conscience ;
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La liberté d’expression et d’opinion;
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Aux droits politiques des citoyens ;
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Aux droits économiques, sociaux et culturels ;
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Au droit à un procès équitable,
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Aux droits des détenus, etc..
Ces actes sont aussi interdits par :
1. La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en ses articles : 4, 5, 8, 9,.. ;
2. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en ses articles : 3, 5, 6,8, 9, 11, 19, 21, ... ;
3. Le Pacte International relatif aux droits Civils et Politiques : en ses articles 6 ; 7, 9, 10, ... ;
4. Le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels, en ses articles 11, 12…
Enfin, la CODDH appelle toutes les parties prenantes au dialogue national, au respect des engagements pris et au sens élevé de leurs responsabilités. Elle en appelle également à la
conscience nationale des guinéennes et des guinéens pour sortir notre pays des menaces de troubles et de violence aux conséquences incalculables.
Le Président
M. SOULEYMANE BAH