Je suis profondément indigné par la couardise de nos chefs de partis. Cellou Dalein est à Paris, Sydia Touré est à Paris, Alpha Condé est à Paris. Comme politiciens guinéens, ils ne sont pas seuls à revisiter Paris. Est-ce par hasard ? S’il s’agit d’un repos, est-il mérité ?
En Guinée l’incroyable s’avère souvent vrai. Au moment où la jeunesse guinéenne commence à descendre dans les rues pour s’opposer au maintien de Dadis au pouvoir, notre vaillante opposition choisit, en catimini, l’exil temporaire. Ce n’est pas la politique de la chaise vide mais celle plus discutable du « pays vide ». Pour éviter de se rendre au Palais du Peuple étaient-ils obligés de quitter leur pays natal ? Il ne s’agit peut-être pas d’une fuite, comme le crient Dadis et ses courtisans, mais ce déplacement est inopportun.
Même si ces départs étaient prévus de longue date, les leaders précités auraient dû les différer compte tenu des évènements actuels. A moins qu’ils n’aient un problème de visas sur le point d’expirer, ce qui m’étonnerait. Un homme politique doit avoir de bons conseillers en communication.
Dadis prétend qu’il pouvait empêcher Cellou, Sydia et Condé de sortir du territoire. C’est vrai, car même s’il n’en a pas le droit, il en a la force. Mais ces messieurs, de par leur statut, sont tenus d’annoncer leurs déplacements, surtout s’ils se rendent non pas à Coyah mais jusqu’à Paris. Je propose à tous, pour cette fois, de ne pas aller les écouter, surtout en cette période de Ramadan ! Qu’ont-il d’intéressant à dire ? C’est à Conakry qu’il faut le dire haut et fort et non à Paris.
Certains diront que le combat se mène à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du pays. On connaît trop bien cette chanson « globale et multiforme ». En réalité, la véritable lutte se conduit essentiellement sur place, c’est-à-dire en Guinée même où le feu couve déjà.
Comment voulez-vous qu’on soit crédible lorsqu’on manque du minimum de courage politique et physique ? Au Zimbabwe, Morgan Tsvangirai ne s’est pas dégonflé devant Robert Mugabe et a même été blessé plusieurs fois. En Guinée où la devise est de sauver à tout prix le chef, les dirigeants mettent davantage l’accent sur les liens du sang, mais ne donnent aucune goutte de leur sang dans leur combat. Croyez-vous que Dadis n’aurait pas reculé si cette « bande de trois » avait pris la tête d’un défilé unitaire de manifestants ? Tout ce qu’elle risquait, c’était une arrestation de quelques heures pour « trouble à l’ordre public ».
Il faut qu’on se dire la vérité, aussi douloureuse soit-elle : nos grands (?) partis sont dirigés par des poltrons qui veulent qu’on leur apporte tout sur un plateau. Leur logique se comprend: un martyr n’ayant pas l’occasion de profiter de quoi que ce soit, il faut apparaître comme un héros pour bénéficier d’honneurs. Ils devraient être en première ligne, avec leurs familles pas seulement politiques, ou démissionner et perdre leurs investissements. Se croient-ils plus bénis que les jeunes qui s’exposent en permanence aux balles de nos tirailleurs ?
On a longtemps qualifié Alpha Condé de grimpeur, fuyant même s’il n’était pas poursuivi. Ce professeur n’est plus solitaire dans son marathon interminable (Est-il à Paris pour quelle rentrée universitaire ? Au fait, qu’enseigne-t-il et où ? De quoi vit-il ? ). A ses côtés courent maintenant Sydia et Cellou sous des maillots différents. J’ai honte de ce spectacle peu patriotique.
J’avais dit qu’il ne fallait pas sous-estimer Dadis. Il vient de montrer sa capacité de nuisance en organisant les mascarades devant l’ambassade des USA et le Palais du Peuple avec des banderoles à la gloire de son nouveau-né, le Parti National du Renouveau. Quand on est populaire, on prend des bains de foule mais on ne convoque pas son peuple. La Guinée ne se résume pas au Camp Alpha Yaya Diallo. Pourquoi Dadis ne sort-il pas de son réduit sécurisé (moins étendu que le Vatican) pour faire campagne à Boké, Tougué, Siguiri ou Beyla ? Oserait-il s’aventurer au quartier Bambeto ?
Pendant ce temps, nos très honorables leaders chercheront à se faire recevoir séparément en prenant l’escalier de service (quel honneur !) par un conseiller de l’Elysée. Le tout pour amuser la galerie.
Par leur comportement, ils ont capitulé devant Dadis. Ce dernier vient d’être « élu » ce 31 août 2009 Président de la République avant même de se déclarer officiellement candidat. Je ne vois donc plus la nécessité de débloquer les sous pour des élections déjà jouées.
Le minuscule espoir qui nous reste est maintenant d’empêcher Dadis de prêter serment. Autrement dit, il faut le chasser au motif de fraude électorale massive. Avec lui, la Guinée n’aura pas la démocratie encore moins le développement. Le tout est de savoir comment il faut le faire avec le moins de dégâts possible. Nous voulons des dirigeants d’un type nouveau en lieu et place de l’actuel leadership kaki. La Guinée en regorge.
Obligeons Dadis Lébé à déclarer officiellement sa candidature à son départ immédiat et définitif du pouvoir.
Je vous salue.
Ibrahima Kylé Diallo
Directeur de www.guineenet.org