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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 12:36

Signée le 15 janvier dernier entre M. Blaise Compaoré --ancien capitaine d’armée putschiste, président du Burkina Faso et ci-devant médiateur partial et non-neutre dans la crise guinéenne --, capitaine Moussa Dadis Camara et général Sékouba Konaté, la déclaration de Ouagadougou révèle graduellement sa vraie nature : celle d’un refus catégorique et cynique de débarrasser la Guinée du soi-disant Conseil national pour la démocratie et le développement (Cndd), et de la voyoucratie qu’il y a instaurée. Ainsi au lieu d’amputer le membre gangrené, on a choisi de faire un bandage sur la plaie infectée, purulente, puante et incurable.


Les “Forces vives” et l’Intersyndicale ont été marginalisées et écartées du conciliabule de Ouagadougou. Toutefois, au lieu de dénoncer le document des trois officiers, elles se sont empressées de l’adopter, même si des réserves timides ou impotentes ont été émises çà et là. A ce titre elles ont failli à leur rôle et portent, évidemment, une responsabilité directe sur le pourissement de la situation. Et voici pourquoi :

 

La désignation d’un président titulaire et d’un président intérimaire du Cndd crée un bicéphalisme superflu et dangereux. N’étant ni honnête, ni sincère, le dualisme au sommet a toujours mal fini en Guinée. Il en fut ainsi entre Sékou Touré et Saifoulaye Diallo (1958-1963) d’abord, et entre Lansana Conté et Diarra Traoré (1984-1985) ensuite…

 

Aussi longtemps que Dadis sera le président en titre (à défaut de l’être de droit), son carré de “fidèles” (Pivi, Tiégboro, Moussa Keita, Boubacar Barry, etc.) ne verra en Sékouba que le no. 3 du Cndd et le ministre de la défense. Pour ce groupe, Sékouba est chargé de veiller au grain en attendant le retour de celui qu’ils prennent pour le vrai chef. Selon cette clique donc la vraie capitale de Guinée n’est ni Conakry, ni même le Camp Alfa Yaya Diallo, mais la villa de de convalescence de Dadis à Ouagadougou.

 

Plus qu’un simple embarras, la désignation de Jean-Marie Doré au poste de Premier ministre est, au contraire, une compromission compromettante de l’opposition car elle constitue un affront à la mémoire des victimes de la dictature cinquantenaire de la Guinée postcoloniale : Sékou Touré, Lansana Conté et Moussa Dadis Camara.

 

En effet Jean-Marie fut un agent de renseignement officiel, patenté et actif du PDG (lire Un espion à la barre de la transition). Ses lettres de dénonciation et ses rapports secrets ont dû causer l’arrestation, la spoliation, la torture et la mort de plus d’un innocent citoyen au Camp Boiro, plongeant des dizaines de familles dans l’angoisse et la détresse. Il est donc absurde de croire qu’un tel individu peut conduire la Guinée vers des élections libres et transparentes. Le passé de Jean-Marie Doré et les aspirations démocratiques des Guinéens sont deux choses antithétiques et antinomiques.

 

Mais, comme on le sait, le malfaiteur revient généralement sur les lieux du crime. Et voilà Jean-Marie à la Primature, nominalement co-gestionnaire d’un Etat ruiné et en lambeaux. Il aura tout le loisir de constater l’ampleur des dégâts commis par ses maîtres et complices.

 

Car, en tant que policier de Sékou Touré, il contribua notoirement à l’anéantissement de l’administration du pays. D’autres obstacles --qu’il aida à dresser-- lui barrent le chemin :

 

Primo, il a les mains liées et la formation du gouvernement ne sera pas chose aisée. Car, la bande à Dadis ne lâchera pas facilement les portefeuilles ministériels clefs (défense, sécurité, finances, affaires extérieures, administration du territoire).

 

Secundo, il n’a pas un plan ou une “feuille de route”. On a mis la charrue avant le bœuf. Et c’est n’est qu’à présent que l’on pense à une définition de la mission de la primature.

 

Tertio, on a parlé d’élection en six mois et de réorganisation de l’armée. Mais où sont les ressources financières et la logistique indispensables pour déplacer ces montagnes ? Si les dirigeants de Conakry comptent sur un déboursement rapide de la part des partenaires (UE, USA) et des bailleurs (Banque mondiale, Banque africaine), ils font alors montre d’amnésie. A l’étranger, on n’est pas pressé de renouer avec un Etat paria, “qui a beaucoup à se faire pardonner”, selon le mot d’un diplomate européen.

 

Quatro, en inculpant Moussa Dadis Camara, Aboubacar Cherif Toumba Diakité, Moussa Tiégboro Camara, Jean-Claude Pivi Togba, Sékouba Konaté et leurs acolytes, la Cour pénale internationale sonnera bientôt le glas de la terreur d’Etat et de l’impunité en Guinée.

 

Tierno Siradiou Bah

 

Source : http://cerno.bindol.net/blogguinee

 

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