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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 10:10

HitlerAST 1-copie-1Monsieur le Président,
Comme chaque année, l’Association des victimes du camp Boiro (AVCB) commémore les pendaisons publiques de prisonniers politiques qui eurent lieu le 25 janvier 1971 à Conakry et dans toutes les régions administratives. Ces exécutions avaient été ordonnées par le régime révolutionnaire du président Sékou Touré, deux mois après l’agression portugaise du 22 novembre 1970. 

Ces décisions de pendre des citoyens guinéens ont été entachées de nombreuses irrégularités et anomalies que le juriste, que vous êtes, aura sûrement relevées :

1)    C’est l’Assemblée nationale qui a été érigée par Sékou Touré, sans aucune base légale, en tribunal populaire révolutionnaire pour juger les accusés.

2)    Les prévenus, accusés d’intelligence avec l’ennemi (sous le nom de cinquième colonne), n’ont pas comparu à leur »procès » devant les députés et n’y ont été ni représentés ni défendus par un avocat.

3)    Les accusés ont été condamnés uniquement après avoir lu des confessions rédigées par leurs geôliers, enregistrés au camp Boiro.

Le Tribunal révolutionnaire créé pour la circonstance a prononcé le 24 janvier 30 (trente) condamnations à mort. Or ce sont 85 Guinéens qui ont été pendus le lendemain. Sans compter les nombreuses exécutions par  fusillades qui ont eu lieu aussi ce même 25 janvier dans toute la Guinée. Pourquoi cette différence de nombre ?

4)    Après cette parodie de justice, certains des députés-juges ont été arrêtés à leur tour et incarcérés à Boiro (par ex. Mme Soumah Tiguidanké Diaby, Feu Aminata Mady Kaba et Barry Mamadou, dit Petit Barry, lecteur de la sentence inique). Leur immunité parlementaire n’avait pas été levée.

Ces pendaisons ont donné lieu à des scènes infâmantes pour le peuple de Guinée :

Les pendus du Pont-Tombeau, pieds nus, vêtus d’une simple chemise et d’une culotte grossière, avaient été torturés pendant deux mois. Leurs corps livides et décharnés, la langue tirée comme des bêtes égorgées, ont offert un spectacle inouï  aux populations, y compris aux enfants des écoles, conduits de force sous les potences par la milice populaire. Les spectateurs ahuris cachaient leur épouvante en dansant sous les cadavres. Certains s’amusaient même,  à l’aide de perches, à faire tourner dans tous les sens les dépouilles accrochées. D’autres se sont livrés à des exercices indécents dont le peuple croyant de Guinée se souvient encore avec grande honte.

Monsieur le Président,

Vous avez été élu sous le sceau du changement, concept qui s’applique non seulement à la gouvernance mais aussi à nos mentalités. Notre rapport à l’histoire, notamment, doit changer : nous devons la regarder en face, dans sa gloire comme dans ses horreurs. Nous ne devons pas nous gargariser de notre passé glorieux et banaliser les actes odieux qui l’ont émaillé.
Monsieur le Président,

Vous avez été condamné à mort par contumace par le régime de Sékou Touré : vous êtes donc bien placé pour sentir l’immense tort qui vous a été fait. Vous avez engagé un processus de réconciliation nationale et vous citez volontiers les atrocités du camp Boiro parmi les grandes tragédies de notre histoire. Comment la réconciliation souhaitée pourrait-elle avoir lieu si l’on ne disait pas enfin

solennellement la vérité sur le camp Boiro et si la justice n’était pas rendue, ne serait-ce qu’à titre posthume ?
Nous vous demandons, en votre qualité de Premier Magistrat du pays, de :

-    Déclarer nulles et non avenues les sentences du Tribunal populaire révolutionnaire puisqu’elles ne répondaient pas aux normes du droit ; 

-    Reconnaitre l’innocence des prévenus puisque l’élément intentionnel et l’élément matériel n’ont jamais été prouvés au cours de ce procès et, en conséquence, de quoi

-    Réhabiliter les pendus à titre posthume, non seulement pour laver leur mémoire mais aussi laver leurs familles de l’humiliation infligée injustement. 

Si vous avez désigné des religieux pour conduire le processus de réconciliation nationale, c’est parce que la religion place l’homme au cœur du monde et soumet l’humanité à la loi divine. Cette loi proclame le caractère sacré de la vie humaine. 

Parmi les suppliciés du 25 janvier 1971 – dont la liste suit – nous voudrions simplement rappeler au souvenir du peuple guinéen les cinq personnalités suivantes :

-    Baldet Ousmane, Gouverneur de la Banque centrale, financier et monétariste dont Sékou Touré lui-même avait reconnu le génie comme artisan de la stabilité de la monnaie guinéenne dans les années 60 ;

-    Barry Ibrahima, dit Barry III, artisan de l’indépendance et du Plan triennal ; 

-    Keïta Kara Desoufiane, jeune commissaire de police dont le fils aîné sera arrêté par la suite ;

-    Magassouba Moriba,  médecin, compagnon de l’indépendance, ministre ;

-    Hadja Loffo Camara, Compagnon de l’indépendance, sage-femme, fusillée le 25 janvier.

Le Bureau de  l’AVCB

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